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[rencontre avec un expert] Les métropoles européennes et le défi de la nature


NDLR : rencontre avec Paul Vermeylen, urbaniste expert des métropoles européennes, à l'occasion des Troisièmes Journées d'Automne "Créativité et Territoires", à l'Espace Mendès France de Poitiers. Un article écrit de sa main.

Partout en Europe, le processus de la « métropolisation » renforce les responsabilités des systèmes territoriaux, des systèmes urbains polarisés par les métropoles. Ces territoires parfois hybrides, de fait largement interconnectés à l’échelle globale, sont également aux avant-postes pour répondre/anticiper les exigences de la durabilité. Car elles doivent sans cesse anticiper la demande, quantitative avec l’explosion démographique et qualitative avec les impératifs du développement durable. Découvrir ici les réalisations majeures en Europe, en seulement quelques lignes ? Mieux vaut relever quelques tendances de fonds et renvoyer le lecteur vers les ouvrages et les sources spécialisées, dont l’ouvrage « Le temps de la métropole qui en a fait son quatrième chapitre). 

Quatre dimensions me sont apparues prédominer les pratiques exemplaires : les limites, la malléabilité, la transition circulaire, l’implication des acteurs. Nous aborderons ici quelques exemples, dont cette première dimension : l’enjeu des limites des territoires, face à l’urbanisation effrénée.

Le mitage ne cesse d’asphyxier ce qui était l’état de la nature et qui n’a pas été conçu ni travaillé par l’homme. On doit donc nommer (1) ces territoires et agir pour qu’ils soient délimités : sans frontières physiques mais aussi identification des emprises politiques, les imbrications systémiques s’entrechoquent sans finalité, sans sens commun - celui nécessaire à la citoyenneté, à l’urbanité.

Comment conduire les politiques frugales d’économie des sols ?  Les solutions sont multiples ; mais la France connait un retard considérable en termes d’efficacité, en comparaison des Pays-Bas, des pays nordiques, voire de l’Allemagne ou de l’Italie.


Copenhague, et son « Fifth Finger Plan » : à l’œuvre depuis 1947, il continue malgré quelques vicissitudes à délivrer un support pour l’action, à endiguer l’extension des tissus urbanisés, à restaurer de fragiles équilibres avec la campagne. Car de manière concomitante avec la règle d’urbanisme, de nombreuses initiatives existent pour stimuler de nouveaux échanges.


Aux confins des métropoles et de la nature, quatre figures d’action apparaissent. D’une part, la règle foncière. Les schémas directeurs tentent partout d’endiguer les dynamiques, avec des succès très relatifs. Différents pays ou régions pratiquent aujourd’hui l’approche par les quotas, permettant à l’échelle locale la flexibilité et l’adaptabilité nécessaires (Catalogne, Italie, Pays-Bas).

Deuxième figure d’action : celle visant à injecter de la valeur dans les territoires sous influence de la métropolisation. Valeur économique d’abord. Renouer les fils des échanges entre production agricole et marché urbain participe à la ré-inclusion. L’enjeu est important en France, où pas moins de 44% des exploitations agricoles sont situées en zone urbaine ou périurbaine en 2010. Les bonnes pratiques commencent à proliférer, en réponse avec la nouvelle demande sociale d’alimentation équilibrée.



Autre valeur économique injectée, celle constituée par la création d’aires urbanisées « maitrisées » : écoquartiers, zones d’activité orienté vers le C2C (Cradle to Cradle), zones d’exploitation ou de recyclage. Quelques exemples illustrent la démarche.


Hambourg – IBA 2013. Création d’un parc sur une ancienne décharge, avec méthanisation et reconversion d’un ancien bunker anti- aérien en « tour énergétique »



Hoofdorp-Haarlemermeer Pays-Bas. Parc d’activité 20/20 basé sur l’approche « C2C ». Le parc 20/20 favorise les relations systémiques entre activités et débouchés dans une optique d’économie circulaire. Illustration : siège projeté de la société Plantronic B.V.
Un autre bras de levier est l’injection de nouvelles valeurs d’usage. La création de parcs à la périphérie des villes, de promenades, de zones de délassement contribue aux nouveaux équilibres ville-campagne. Plusieurs métropoles accentuent ainsi l’agrément du vivre en ville proche de la campagne et de ses bienfaits.


Vitoria – Pays Basque. La capitale administrative du Pays Basque mène depuis une quinzaine d’années un vaste projet de ceinture verte. Cet anneau vert relie progressivement les parcs et les aires rurales périurbaines.

Bruxelles mène également un tel projet, sous l’appellation de « promenade verte ». Sur ce même principe de relier les parcs qui existent ou ceux qui peuvent être créés, le projet met aujourd’hui l’accent sur la découverte et la promotion de la biodiversité.

Le dernier aspect soulevé ici concerne les « attracteurs ». Un territoire structuré et irrigué par des infrastructures de transport permet l’articulation et l’intégration des territoires centraux et périphériques. Partout, la mixité habitat-travail-équipements doit être promue. 

Ce précepte constitue le fondement des nouvelles stratégies de Bordeaux ou de Toulouse, et de bien d’autres villes encore. Les tracés des lignes de tramways, de funiculaires urbains contribuent ainsi à créer des nœuds d’échanges, à promouvoir le polycentrisme des territoires.

La télécabine de Saragosse constitue un exemple parmi bien d’autres ; au plan technique, il s’agit de funiculaires, de télésièges, de transport par câble, etc.

Ces différents aspects de la lutte contre l’étalement urbain ont vocation à être intégrés. L’approche systémique favorise la création ou la stimulation de courants d’échanges entre. A cet égard, Copenhague constitue une référence intéressante, car son « Fifth Finger Plan» a permis de nouer et de fertiliser les pratiques.



Paul Vermeylen. Urbaniste et expert en développement territorial auprès des Institutions européennes, en Belgique, en France et pour d’autres pays européens, a récemment publié « LE TEMPS DE LA METROPOLE. Parcours en Europe » Ed. L’Harmattan 2014.